Isidore THIBAUD 

CIMETIERE DE LA CROSNIERE 

 

 

Il est un coin de terre quasi oublié 

Où j’aime quelquefois venir me recueillir et prier 

Là, dorment pour toujours en ce lieu tranquille 

Ceux qui te donnèrent vie, ô petite île ! 

Pour t’arracher à l’Océan et te conquérir 

Que de durs travaux ils durent accomplir. 

De leurs mains nues, ils te façonnèrent, 

Terre que j’aime, île de la Crosnière. 

Par la pensée, souvent, je les imagine, je les vois, 

Luttant contre la mer avide de reprendre ses droits ; 

Bravant sans cesse les éléments hostiles, 

Toujours ils te protègent, terre fragile. 

Et maintenant, paisiblement, ils dorment là, 

Sous la grande croix qui sur eux étend ses bras. 

Aucune trace ne marque plus leurs demeures paisibles, 

Mais je sais que sur ce calme lieu, plane invisible, 

L’esprit de tous ces humbles travailleurs 

Qui jadis, ô terre, t’imprégnèrent de leur sueur. 

Tu fus longtemps, bien entretenu, petit cimetière, 

Puis, les années passant, les hommes t’oublièrent ; 

A ta place, parmi les tombeaux délaissés 

Peu à peu se développa un énorme roncier 

Mais d’autres hommes vinrent et en leur mémoire, 

Remonta du passé tout ce que fut ton histoire. 

Ne voulant jamais te voir objet de dérision, 

De te remettre en état ils prirent la décision. 

Ta haute croix, par la tempête brisée, 

Fut à nouveau, sur son solide socle dressée. 

Et  du prêtre ayant reçu la solennelle bénédiction, 

Elle est là maintenant, perpétuant la tradition. 

Passant, qui comme moi, aime ce coin de terre, 

Arrêtes-toi un instant au bord du petit cimetière. 

Dans le calme et la tranquillité du soir couchant, 

Laisses-toi bercer par la douceur de cet endroit charmant, 

Où flottent les senteurs des champs et les odeurs marines, 

Qui déjà des aïeux emplissaient les poitrines, 

Dans le silence et la paix qui monteront en toi, 

Recueilles-toi à l’ombre de la haute croix, 

Laisses-toi envahir jusqu’au plus profond de ton être 

Par le respect dû à ceux qui furent tes ancêtres. 

Alors comme moi tu connaitras une part de ce bonheur 

Que ressent, en ce lieu béni, tout homme de cœur 

 

Poème anonyme 

 

 

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